
Éco-responsabilité, parité, accessibilité… Si nos événements se disent de plus en plus engagés, pas simple d’y voir clair entre les effets d’annonce et les impacts concrets. C’est pour permettre au public de s’y retrouver et pour les organisateurs de mesurer leurs démarches d’engagement (souvent bien réelles) qu’a été conçu Fairly Score, le premier indicateur éco-social dédié au secteur musical. Explications.

©Cem Gültepe
Drôle de phénomène : si nous sommes toujours plus nombreux·ses à scruter la qualité de nos achats au rayon frais, les yeux braqués sur les listes d’ingrédients et autre Nutri-score, lorsqu’il s’agit de sorties culturelles, nous y allons souvent aveuglément. Pourtant, des transports à l’alimentation, de l’énergie consommée aux questions de déchets, d’eau et de biodiversité, l’événementiel culturel est, lui aussi, un générateur d’impacts négatifs important pour l’environnement. Et s’il était possible de choisir ses sorties en vertu de l’effort écologique réalisé par les organisateurs, via une sorte de Yuka ou de Nutri-Score des concerts ? La comparaison est un peu forte, mais il y a bien de cela dans le Fairly Score. En ligne de mire, que l’on puisse retrouver, sous l’affiche de nos festivals, un résultat indiqué en lettres colorées, à l’image de celles de nos emballages alimentaires. À la différence qu’ici, trois notes sont présentes : impact carbone, environnemental, et économique et social.
Le tableau de bord de l’Airbus
De fait, le questionnaire adressé en amont par Fairly aux organisateurs ratisse beaucoup plus large qu’un bilan carbone. Sources d’énergie, gestion des déchets, consommation d’eau, accessibilité ou parité des équipes (et notamment aux postes à responsabilité, écarts de salaires inclus) rejoignent les problématiques d’impacts carbone liées au transport des publics et des artistes, le choix des prestas techniques ou la cuisine végé. Une compilation de données et d’informations à remplir qui, forcément, prend un peu de temps au démarrage. « Ça peut un peu faire penser au tableau de bord d’un Airbus au début, ça peut faire peur, mais il n’était pas question de générer un score en quatre clics », appuie François Gautreau, « c’est forcément un outil qui nécessite du temps et de l’engagement ». En pratique, au fil des rubriques – nommées « secteurs » et au nombre de quatre pour un festival par exemple (équipe, artistes, public et site) – on se rend vite compte que tout organisateur possède par ailleurs déjà ces informations.De quoi faire de Fairly Score l’outil agrégeant des données éparpillées en interne, plutôt pratique. Et pour les informations à glaner auprès des prestataires, comme l’impact carbone lié aux moyens de transport de la technique ou la carte des food-trucks, cela passe par un habile système de formulaires envoyés automatiquement par mail aux intéressé·es.
Bienvenue dans la matrice
Une fois les données compilées, reste la question de la note. Comment équilibrer au plus juste les impacts et engagements déclarés ? Le volet éducation artistique et culturelle (EAC) de l’événement est-il plus important que les dispositifs de lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) ? Combien de points rapportent les travaux d’isolation d’un bâtiment par rapport aux actions de sensibilisation du public ? « Chaque question a son coefficient, visible sur l’interface, construit à partir des travaux du ministère de la Culture, de l’Ademe, et de différents réseaux culturels comme le Reeve ou Élémen’Terre » détaille Maxime Faget, cofondateur et directeur de Fairly. L’équipe précise aussi s’être appuyée sur un accompagnement de Mouvement Impact France pour la pondération du score économique et social. « On travaille enfin avec un comité stratégique, composé d’une trentaine de parties prenantes, et avons été accompagnés dans cette aventure par des syndicats, des prestataires techniques et producteurs (À Gauche de La Lune, Limitrophe…), des festivals (Avec le Temps, Les Siestes, Nancy Jazz Pulsations, MaMA – FGO Barbara…), des salles (L’Autre Canal, la Maroquinerie, l’Espace Julien, le Makeda, La Mesón…), ainsi que par des éco-conseillers comme Lucie Bouchet, David Irle, Les Augures ou Rudy Guilhem-Ducléon du Collectif des Festivals ».Test 1 : OK
À l’usage, il s’avère finalement assez aisé d’obtenir son Fairly Score pour un festival (un événement, un site, une programmation). La chose se corse un peu pour un tourneur avec de multiples artistes sur la route à l’année, ou pour une salle jonglant entre concerts, productions maison, co-productions, locations et contrats de cession douze mois par an. Pour faciliter ce suivi d’impact à l’année, Fairly Score permet de pré-configurer les différents formats d’usage de la structure, et de les associer à ses outils de calendrier. À terme, Fairly vise une connexion directe aux API des logiciels-métier de booking et de billetterie pour davantage d’automatisation. Une première mise à l’épreuve, dans les conditions du réel, a eu lieu lors du dernier MaMA, en octobre 2024, où l’innovation a d’ailleurs été récompensée du prix Riffx MaMA pour son approche utile et écologique. À la fois convention professionnelle et festival disséminé dans une douzaine de lieux au Nord de Paris, le MaMA a constitué une « sorte de boss final », sourit François Gautreau.L’expérience s’est donc portée sur la partie de l’événement ayant eu lieu au FGO-Barbara, une salle de Barbès ayant toujours eu à cœur de s’engager sur les questions écologiques et sociales. Résultat, un score reflétant à la fois les engagements du festival (parité de la programmation, mobilité…) et ceux de la salle (parité dans les équipes, impact local, gestion des déchets…) : les voyants sont au vert.
